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MANCORA

Il est six heures du matin quand le bus nous débarque sur l’avenue principale de Mancora. Tout est calme et le soleil n’est pas encore arrivé jusqu’ici. On a rencontré Mathilde et Thomas au terminal de Trujillo qui ont aussi fait le voyage en bus. Au moment de foulé le sol, on se retrouve tous les quatre happés par les rabatteurs d’auberges. Ils veulent absolument nous emmener dans l’auberge avec laquelle ils ont des arrangements. On décide de partir tous les quatre à pied jusqu’au Psygon Surf Camp dont on a lu beaucoup de bien sur internet. Ne connaissant pas le coin, on s’engouffre dans une ruelle sableuse et suivons les indications du GPS. Nous sommes bien vite rattrapés par un tuk-tuk qui nous déconseille de passer par là. Il nous propose de nous conduire à notre hostel pour quatre soles. On s’entasse à l’arrière en surveillant les gros sacs sur la partie extérieure. Une fois à destination, notre chauffeur sonne à la porte d’entrée et attend patiemment que le gérant arrive. Ils discutent dans leur coin (certainement de la commission qu’il obtiendra) et viennent tous les deux à notre rencontre. Nous aurons finalement une chambre de quatre lits pour un prix favorable.


L’auberge est grande et plutôt accueillante. Des hamacs sont crochés entre chaque poteau, des sièges confortables forment un coin lecture, une piscine et des chaises longues invitent à la farniente, un bar et son espace de vie rendent le coin festif. Il y a même un restaurant ouvert au publique. Le tout dans le sable. Les garçons décident de retourner récupérer quelques heures de sommeil que leur a confisqué Morphée pendant que Mathilde et moi allons marcher sur la plage. Bien que le soleil nous envoie des rayons timides, il nous fait cadeau de sa chaleur sans même avoir pointé le bout de son nez. On enlève quelques couches et on continue notre promenade en se racontant nos histoires de vie. Finalement le soleil se sera décidé à nous accompagner et voilà que tout le bord de mer est allumé. Cela fait maintenant deux heures que l’on traine les pieds sur le sable fin ; on décide d’aller voir où en sont nos marmottes. Pendant qu’ils se réveillent très tranquillement, nous partons au marché local acheter le petit-déjeuner. Les rues se sont animées en quelques heures, les marchands sont installés et attendent leurs premiers clients. Le marché s’étale sur une grande rue que nous aurons parcourue le plus lentement possible. C’est avec quelques fruits et du pain sous le bras que nous repartons en direction de l’auberge.



La journée sera calme. L’océan n’est qu’à trente secondes à pieds de notre hébergement ; on met les maillots de bain et on court se jeter dans les grosses vagues (j’avoue y avoir couru un peu moins vite que Xavier). Le courant est fort et les vagues sont hautes. L’appréhension me laisse sur la rive mais Xavier me tire en avant. Je serai bientôt engloutie par les eaux salées. Une fois que la mer m’aura bouché les deux oreilles, piqué les deux yeux et fait boire la tasse plusieurs fois, je sors de l’eau pour regarder Xavier se faire avaler par ces vagues immenses. Il me rejoint pour une promenade sur la plage jusqu’au centre balnéaire touristique. On y découvre plusieurs restaurants attrayants, des écoles de surf, des agences de tourisme et plein de petits magasins en tout genre vendant principalement des maillots de bain. On se laisse aller à zyeuter les publicités, à lire les cartes des plats dont les prix nous feront fuir, à fouiller parmi les habits sans trop de tissu. On salue la dame qui vend des riz au lait fait maison tout en se disant qu’on y reviendra un peu plus tard quand la faim sera là. On continue notre promenade en passant devant des artisans proposant des bracelets, colliers, boucles d’oreille et j’en passe. C’est toujours un travail qu’on a plaisir à regarder non seulement à cause de l’originalité et la créativité dont ils font preuve mais surtout par la qualité de ce qu’ils proposent.

On passe ensuite toute une série d’agences de tourisme dans lesquelles on profite d’aller chercher quelques informations sur un éventuel tour dans les mangroves au nord du pays près de Puerto Pizarro. On entend toutes sortes de prix et on prendra le temps de réfléchir avant de réserver quoi que ce soit. Il est vrai que d’habitude on essaie de faire un maximum de choses par nous-mêmes et il aurait été agréable de partir à l’aventure dans ces petits ports de pêcheurs bien authentiques. Mais voilà, le temps nous presse. Notre avion part de Quito en Equateur le premier décembre et il nous faut compter les jours de déplacement. On mise alors sur l’économie de temps et prendrons un tour organisé pour visiter cette région.


Midi est déjà là et nous cherchons un « petit boui-boui avec des chaises en plastique », comme on les appelle, où ils servent des menus du jour à prix corrects. On s’éloigne du centre et nous trouvons notre bonheur. Il n’y a pas foule mais les quelques personnes présentes sont du coin ; raison de plus pour s’installer là. Nous profitons d’être au bord de mer pour manger de bonne pâte avec un sauce tomate-crevette, une régale. Après notre repas, j’emmène Xavier au marché local pour qu’il découvre l’ambiance animée que j’ai découverte ce matin. Si quelques stands de jus de fruits sont encore ouverts dans les rues, tous les étalages du marché sont déjà pliés. Tant pis, on reviendra un autre jour. On profite que les compagnies de bus ne soient pas encore fermées pour aller chercher quelques informations sur le trajet jusqu’à Quito. Nous toquons à toutes les portes, comparons les prix, les horaires et les prestations. Finalement, nous opterons pour la seule compagnie qui part en milieu de soirée ; cela nous donnera la chance de passer une journée supplémentaire à Mancora avant de quitter le Pérou.

On retourne à l’auberge s’allonger sur les chaises longues avec un bouquin et piquer une tête dans la piscine pendant qu’il n’y pas trop de monde. Nous sommes en basse saison et nous avons la chance d’apprécier cette auberge presque sans personne. Thomas et Mathilde nous rejoignent en début de soirée pour un souper au restaurant de l’auberge. Ce soir-là, tout le monde se couchera tôt : nous partons demain matin pour le tour organisé dans les mangroves tandis que nos deux compagnons partent pour l’Equateur.



Tour organisé dans le Nord :


Nous nous rendons à neuf heures à l’agence afin de partir en bus. Nous avions pris dix minutes d’avance « au cas où » mais finalement le bus aura presque quarante-cinq minutes de retard. Peut-être qu’un jour nous finirons par apprendre que la prévoyance et la ponctualité suisses ne servent à rien en Amérique du Sud ! Le bus est plein de touristes mais pas de ceux auxquels nous nous attendions. Tous viennent de quelque part au Pérou et profitent de leurs vacances pour découvrir le nord du pays en mode « dépensons de l’argent vite, mais bien (ou pas) ». Le guide de la journée ressemble à un animateur jeunesse du club-med et on rit de se retrouver au milieu de tous ces gens.

Le tour commence avec un premier arrêt à Punta Sal, une station balnéaire à succès en haute saison et bien calme à cette période de l’année. Le bus nous laisse dans une ruelle déserte et nous parcourons à pieds les quelques mètres qui nous séparent de la mer. L’animateur nous donne rendez-vous au bus dans un peu plus d’une heure. Pendant que tous se dépêchent de se jeter à l’eau, nous décidons de nous promener le long de la plage de sable fin. Les petits crabes encore transparents se pressent de se mettre à l’abri dans leur trou à l’approche de nos pieds trop grands, deux chiens jouent avec un ballon dégonflé, des coquillages se font rejetés par la mer, deux pêcheurs mettent leur barque à l’eau, les vagues viennent se casser sur les rochers, … Nous nous éloignons progressivement du brouhaha qui émane du groupe ; cela fait du bien se retrouver seuls dans un endroit si beau. On passe devant quelques complexes hôteliers et n’avons aucune difficulté à imaginer cet endroit grouiller comme une fourmilière durant les mois d’été. Le temps file et il nous faut à présent faire demi-tour si nous ne voulons pas louper le départ.

Notre second arrêt se fera à la plage de Zorritos. Cette fois-ci, nous troquons notre appareil photo et nos tongues contre un linge et notre maillot de bain. L’eau n’est pas aussi chaude qu’espérée mais les vagues font de l’œil à Xavier et il me tire en avant. Les rouleaux sont tellement rapprochés qu’on n’arrive pas à accéder aux plus grosses vagues au loin. On court à chaque replat, on écarte les algues et on se laisse pousser par le courant. L’eau salée nous pique les yeux, on rit, on boit la tasse plusieurs fois et on ressort se sécher un minimum avant de remonter dans le bus.



Nous nous dirigeons maintenant vers Puerto Pizarro, à une heure de route de là. En chemin, nous traversons Tumbes, chaotique mais authentique. Ça klaxonne à tous les coins de rues, les charrettes tirées par des ânes se mêlent aux voitures, les maisons en construction ou à l’abandon bordent la route, leurs peintures sont fatiguées, les enseignent des échoppes sont peintes à la main. C’est la vie d’ici ; ou peut-être la vie de chez nous il y a bien longtemps.

Nous arrivons à Puerto Pizarro peu de temps après. Ce petit port de pêcheurs est absolument adorable et nous regrettons immédiatement de manquer de temps pour y rester quelques jours. Il décrit exactement l’image que l’on se fait d’un port où la vie tourne au ralenti. Déjà que le Pérou n’est pas forcément en avance sur son temps, ici nous faisons carrément un bond en arrière. Il y a bien quelques motos pour faciliter les trajets mais il n’y pas beaucoup d’autres véhicules. Bien sûr, de nombreux bateaux sont amarrés et ils donnent un charme particulier à ce petit village excentré. Le bus nous dépose devant un restaurant au bord de la baie où nous sommes attendus. Voyant le cadre du restaurant détonner avec le reste du village, nous imaginons le prix excessif du menu sans même regarder la carte. Un bref coup d’œil nous donnera raison et après discussion avec l’animateur, nous partons plus loin voir ce qu’on y trouve. Nous n’avons pas besoin d’aller bien loin car nous nous arrêtons au restaurant juste à côté où un type bien sympathique nous propose son menu du jour pour 3CHF. C’est certainement sa femme qui se mettra aux fourneaux car nous le voyons tourner en rond avec son ventre bedonnant et sa voix profonde. Petit sourire en coin, certains clichés sont difficiles à éradiquer. Nous sommes seuls sur la terrasse et attendons nos plats. Trois petites filles viennent nous dire bonjour après nous avoir lancer plusieurs sourires depuis la barrière. Nous échangeons quelques mots rapides avec elles ; elles sont trop timides pour rester plus longtemps. Nos plats arrivent et nous sommes enchantés de ce que nous trouvons dans nos assiettes. Xavier aura un ceviche de fruits de mer en entrée suivi d’un riz aux moules noires qu’ils appellent « arroz chaufa con mariscos », tandis que moi je reçois une énorme tortilla de légumes. Un vrai régal.



Voyant du mouvement de l’autre côté, nous décidons de payer l’addition et de rejoindre notre groupe. Il est temps de monter sur un bateau à moteur pour rejoindre l’île aux crocodiles. Nous passons proche de l’île aux oiseaux où, effectivement, beaucoup d’oiseaux viennent se reposer sur les branches des arbres ; nous poursuivons jusqu’à entrer dans les mangroves. Excepté le bruit du moteur et le clapotis de l’eau, tout y est calme. Nous sommes entourés de mangroves à n’en plus voir le ciel. Ces arbres forment une haie d’honneur au-dessus de nous et ne nous laissent aucune autre échappatoire que le trou lumineux d’en face. Une ambiance un peu mystique s’en dégage et invite au silence. Nous débarquons au milieu de l’île où un parc de crocodiles a été installé. Nous voilà donc partis pour un tour de quarante-cinq minutes à observer des crocodiles de tout âge. Nous sommes étonnés par l’agilité des tous petits et la carrure des adultes ; ils sont énormes et paraissent d’une lenteur sans nom. Pourtant, dès que le guide lance un poisson dans l’enclos, c’est un tout autre scénario qui se déroule. Les crocodiles qui se trouvent suffisamment proches du poisson se raidissent, analysent la situation et se précipitent sur la proie même s’il faut pour cela donner un coup de mâchoire au voisin. Ils cohabitent mais ne semblent pas copains pour autant.



Nous remontons sur le bateau à moteur et entamons le chemin du retour. Les mangroves sont toujours autant captivantes avec leurs grandes racines telles des pattes d’araignées. Des jet skis viennent casser l’ambiance, … cela fait partie du mode « club-med » de la journée. Ils proposent des tours de vingt minutes aux passagers. Le prix est ahurissant sachant que chaque personne n’aura de loin pas passé vingt minutes sur ces engins. Pourtant, bien qu’il soit écrit « attrape-touristes » en lettres invisibles, plusieurs de nos passagers se laissent tenter par l’expérience et reviennent un peu déçus. Si on le leur avait dit, on aurait pu leur dire « je te l’avais dit ». En les attendant, nous profitons du paysage depuis notre siège. Le retour au port se fait sous un ciel bleu orageux d’un côté et un rayon de soleil de l’autre. Un horde d’oiseaux se ruent sur une petite embarcation de pêcheurs revenant d’une journée de travail ; elle a visiblement dû être concluante.


Les visites semblent terminées et nous remontons dans le bus les uns après les autres. Par la fenêtre, nous voyons Valentina, la petite fille rencontrée lors de notre dîner, une glace à la main. Elle nous fait de grands signes et de larges sourires ; contente de nous avoir rencontrés, plaisir partagé. Nous repartons vers Mancora.



Dernière journée à Mancora :


La chaleur arrive en même temps que les premiers rayons du soleil. Nous sommes réveillés depuis longtemps à cause des moustiques qui bzittent à nos oreilles. Le petit-déjeuner copieux qu’offre l’auberge nous met d’aplomb pour cette belle journée. On ne se laisse pas avoir par l’heure tardive et nous nous dirigeons directement vers le marché local pour que Xavier puisse, lui aussi, voir à quoi il ressemble. On chausse nos tongues, on met un sac sur le dos, l’appareil photo à la main et on sort. Quelques pâtés de maison plus loin, deux policiers à moto s’approchent et nous disent qu’il est dangereux de se promener dans ces rues-là. Je suis surprise par ce qu’ils avancent bien que je ne remette pas leur parole en doute, mais j’ai fait plusieurs fois ce trajet seule et ne m’y suis jamais sentie en danger. Pour notre sécurité, ils préfèrent nous escorter jusqu’à la route principale. On se sera certainement bien plus fait remarquer avec deux policiers à nos côtés que si nous avions tranquillement fait ce trajet tous les deux. Les deux officiers nous saluent et nous souhaitent une bonne journée. Nous faisons de même et poursuivons notre chemin.


Le marché reste autant accueillant que les jours précédents. Le gars avec sa bedaine expose toujours fièrement ses gros bouts de viande, des plus jeunes remettent en place leur stand avec des cageots de bois, d’autres sont à même le sol à vendre leurs pommes de terre. Plus loin, le marché se poursuit dans un local aménagé. Au vu de l’odeur qui nous prend soudain au nez, on devine que le marché aux poissons doit avoir lieu ici tôt le matin. Tout a dû être vendu car les étalages sont vides, seuls les vendeurs de fruits et légumes se tiennent compagnie à l’arrière du local. C’est avec quelques bananes et une mangue dans le sac que nous repartons flâner dans les rues ensablées.


La journée passera à un rythme estival et vacancier. Nous explorerons l’autre côté de la plage de Mancora, là où peu de monde s’aventure car trop loin des baraques à cocktails. On retrouve nos copains les crabes et récoltons quelques coquillages que nous remettrons à l’eau aussitôt ; nos sacs sont déjà assez lourds comme ça. On profite d’un coucher de soleil orangé bien chaleureux avant de prendre ce fameux riz au lait qui nous faisait de l’œil deux jours plus tôt.


Nous repassons à l’auberge chercher nos affaires. La compagnie de bus est à trois kilomètres de là et on fait signe à un tuk-tuk de s’arrêter. Le type nous demande où on va et nous dit de monter dans sa remorque. On s’exécute et quelques minutes plus tard, il nous dépose devant la compagnie en refusant que nous le payions. En fait, ce n’était pas un tuk-tuk-taxi agréé et n’allait pas du tout dans cette direction, il voulait juste nous rendre service. Nous déposons nos sacs à la réception et profitons de nos deux heures de marge pour aller souper dans un restaurant dont les menus paraissent appétissants. On ne se lasse pas de la cuisine péruvienne…

Avant de rejoindre le bus, nous nous arrêtons dans un kiosque et demandons à la vendeuse ce qu’elle a à vendre pour deux soles, la toute dernière monnaie qu’il nous reste avant de passer en Equateur. Elle rit et nous désigne un tout petit paquet de chips. Alors on rit en retour et on lui donne nos deux soles en échange. Le bus est là, il faut y aller car celui-là, on ne veut vraiment pas le manquer.





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