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SÃO LUIS ET ALCANTARA

Il est passé 16h30 quand nous récupérons nos gros sacs, à l’aéroport de São Luís do Maranhão au Brésil, heureux de les retrouver entiers. Notre transfert depuis Quito a été si rocambolesque que nous n’en étions pas sûrs. En effet, après être passés par le Panama, la compagnie de vol a changé à Sao Paulo avant de rejoindre Rio de Janeiro. Par acquis de conscience, nous étions allés au tapis roulant du retour des bagages afin de voir si nos gros sacs seraient déchargés là. Nous avions bien fait. Après dix minutes d’attente, nos sacs sont apparus tranquillement, poussés par la mécanique du tapis. Nous avions alors passé à nouveau le check-in et avions croisé les doigts jusqu’à notre destination finale.

Nous avons fait le choix de venir jusqu’ici pour retrouver ma marraine qui habite dans une petite ville à quelques heures de Sao Luis. Elle est mariée à un Brésilien et a trois garçons. Nous avons fixé un rendez-vous pour le surlendemain.

Le type de l’information touristique de l’aéroport nous renseigne en anglais, chose très rare au Brésil, et nous voilà dans un premier bus en direction du centre. L’atterrissage au Brésil est difficile. Dans les couloirs, nous entendons chanter une langue que nous ne comprenons pas et dont nous sommes bien incapables de parler. Les quelques mois d’apprentissage de l’espagnol ne nous sont d’aucun secours ici et nos années d’anglais à l’école encore moins. On se sent désemparé par notre incapacité à parler, à comprendre ou à se repérer. La chaleur et l’humidité sont radicales dès que nous sortons de l’aéroport et nous font suer à grosses gouttes au moindre mouvement. Nous ne nous sommes pas préparés psychologiquement aux changements climatiques et culturels qui s’opéreraient pendant que nous survolions les nuages. Il va falloir s’acclimater et composer avec les éléments. C’est comme si notre voyage recommençait à zéro : nous venons de quitter la maison et notre zone de confort, nos habitudes, notre sécurité pour débarquer dans un endroit inconnu sans moyen de communication rapide et facile. On se sent comme à Buenos Aires, il y a quatre mois déjà.


Une bonne heure de bus plus tard, nous débarquons sur une petite place au centre-ville et devons changer de bus pour rejoindre le quartier historique et son terminal de bus Praya Grande. Nous ne trouvons pas le numéro du bus dont nous avait parlé le type de l’information touristique. En fait, après trente minutes d’attente, nous nous demandons même si nous sommes au bon arrêt. On tente tant bien que mal de se renseigner auprès de locaux présents sur la place mais rien n’y fait ; l’espagnol et le portugais ont leurs différences tant dans le vocabulaire que dans la prononciation des choses. Avec quelques signes de main échangés avec les locaux et les chauffeurs, nous devinons que notre bus part de l’autre côté de la place.


Nous finissons par monter dans un bus indiquant « Praya Grande », notre destination. Ici, chaque bus est composé d’un tourniquet mécanique que l’on ne peut passer qu’après avoir payé notre titre de transport. Ils sont si étroits que passer avec nos deux sacs relèvent d’une aventure en soi. Moi qui suis grand, j’arrive à me soulever et pousser le tourniquet en passant les sacs par-dessus. Mais Delphine étant petite, elle n’arrive ni à passer le petit ni le gros sac et se retrouve coincée entre la vendeuse et la barrière. Rajouter à cela que le bus est bondé, qu’il fait chaud et humide, et que les gens nous observent, … Nous n’avons qu’une envie : nous faire tout petits et arriver au plus vite.

Après dix minutes de route, je sors maps.me pour vérifier notre arrêt à l’avance et constate que nous sommes partis dans la direction opposée de celle prévue. A nouveau, on tente de se faire comprendre auprès de la vendeuse de billets. Elle nous explique effectivement que c’est le bon bus, mais que nous l’avons pris dans la mauvaise direction. Le mieux est d’attendre le terminus pour faire demi-tour. Nous voilà donc installés pour une balade de trois heures aller-retour au coucher du soleil dans les quartiers de la ville. Nous arrivons finalement à destination fatigués et sur le qui-vive. Nous nous engouffrons dans le quartier historique pour trouver un hostel que nous avions repéré dans notre guide. Le centre est en fête et des centaines de personnes déboulent dans les rues pour célébrer la fin d’année scolaire. Nous les sentons nous observer lors de notre passage ; ils semblent intrigués par nos gros sacs. Nous pressons le pas, contournons la fête par une ruelle un peu plus calme (et un peu plus louche aussi) et arrivons enfin à l’hostel Solar Das Pedras. Nous sommes crevés (on vous laisse calculer le temps de transfère entre notre départ depuis l’hostel à Quito et nos quelques détours), mais nos ventres crient famine. Nous trouvons une pizzeria non loin de là et ressortons manger une morse avant de tomber raides dans notre lit.


Première journée de découverte de Sao Luis :


Le lendemain matin, nous profitons de la matinée pour dormir et flemmer… La chaleur et l’humidité nous réveillent tout de même bien rapidement et nous rappelle que nous sommes bel et bien arrivés au Brésil. Changement de climat oblige ! Une fois le petit-déjeuner avalé et notre lessive propre (nous n’en parlons jamais, mais elle fait partie du voyage et de notre quotidien), nous partons visiter le centre historique dans lequel se trouve notre hostel. Sao Luis est une ville construite sur une presqu’île portant le même nom et compte aujourd’hui un million d’habitants ! Il s’agit d’une ancienne colonie française devenue part la suite portugaise (avec un petit intermédiaire hollandais). Autant dire que si les portugais n’étaient jamais arrivés, nous n’aurions certainement pas autant de problème à nous faire comprendre ! On y récence la deuxième plus grande population noire du pays, immigrée de force lors de la période de l’esclavage au XVIIème siècle. Une fois dans la rue, de vieilles bâtisses et grands immeubles coloniaux nous entourent. Une bonne partie de ceux-ci se trouvent dans un sal état, voire en ruine par manque d’argent. Les premières rues sont vides et peu accueillantes. Anciens bâtiments à l’abandon, les plantes ont fini par en faire leur maison. Nous finissions par arriver à la place centrale où nous y trouvons un peu plus d’animation. La couleur revient sur les murs des bâtisses et nous observons de superbes façades en catelles aux motifs blancs et bleus typiques de la ville. Le centre-ville est classé au Patrimoine de l’humanité par l’UNESCO, mais les rénovations peinent grandement à redonner de la fraicheur et de la vie à ce lieu plein de potentiel. Nous flânons entre les diverses boutiques d’artisanat riches en couleurs et profitons de l’ombre offert par les arbres de la place. Un jeune peintre fixe sur la toile la géométrie, les couleurs et l’ambiance si particulière de ce lieu alors que les vendeurs de noix de cocos nous interpellent. Nous entrons dans une galerie installée dans un ancien marché populaire. Des bouteilles d’alcools avec divers végétaux et animaux et des couleurs improbables s’alignent. Des produits du térroir, des peintures sur catelles, hamacs, boites de bois, tissage en fibres, … Nous sommes heureux de découvrir de nouveaux motifs, matériaux et couleurs qui ravivent notre flamme du shopping après une certaine lassitude des produits andins. Les commerçants tentent de nous parler, mais nous devons malheureusement nous contenter de répondre par des sourires. La langue se promet d’être difficile à apprendre !



Une noix de coco bien rafraichissante sous le bras, nous continuons notre chemin pour nous rendre jusqu’au bord de l’océan. Nous sommes surpris de trouver devant nous une grande étendue vaseuse et brunâtre. En effet, c’est la marée basse et l’eau s’est retirée, laissant à sec les anciens quais et fortifications de la ville. Le blanc vient contraster avec cette vaste étendue sombre et sale. Des chasseurs de crabes se déplacent au milieu de la boue qui les atteint jusqu’aux genoux. Au loin, nous voyons les quartiers de buildings de la ville contrastant avec les bidons-villes installés directement sur les bords de mer. Nous nous dirigeons en direction du Palacio dos Leones construit comme un mini Versailles. Blanc immaculé, cette propreté détonne avec tout ce que nous avions vu jusqu’ici. Nous longeons le bâtiment pour tomber sur une belle place ombragée (qu’elle est joie !) et sur la cathédrale de la ville. Nos ventres grognent déjà et nous arrachent de notre découverte. Nous partons à la recherche d’un supermarché. Les gens semblent dubitatifs et nous expliquent que le plus proche se trouve à plusieurs kilomètres du centre. Nous traversons une rue commerciale (mais sans magasin de nourritures, nada!) et coupons entre les habitations. Après plus d’une heure de recherche, de balade dans la ville et quelques ruelles louches, nous tombons sur notre bonheur. Nous faisons nos emplettes pour le souper du soir et le lendemain avant de rentrer en taxi. La nuit arrive bien vite et nous ne voulons pas nous aventurer dans cette grande ville à ce moment-là. Nous arrivons à joindre Marie-France par téléphone durant la soirée afin de fixer un rendez-vous pour le lendemain. Nous irons passer le dimanche chez Luisa, la tante qui habite dans un quartier de la ville à une heure de voiture de là.


Retrouvailles avec Marie-France :


Nous avons à peine le temps de prendre notre petit déjeuner que Marie-France et ses deux fils sont sur le pas de l’auberge. Quel bien cela fait de revoir des têtes connues que je n’ai pas revues depuis si longtemps. Ces retrouvailles sont chaleureuses et émouvantes, voilà plus de huit ans que nous ne nous étions pas revus ! Nous chargeons nos affaires et prenons la voiture pour Maiobão, la maison de Luisa, l’une des belles-sœurs de Marie-France. La maison est belle, grande et remplie par de nombreuses personnes. Aujourd’hui, c’est dimanche et « toute » la famille vient manger à la maison. Les oncles, tantes, cousins, cousines, amis, … Pour faire simple Marie-France s’est mariée à un Brésilien, Vale. Ensemble, ils ont eu trois enfants : Luciano, Flavio et Silvio qui ont respectivement 18, 16 et 13 ans.

Nous retrouvons donc tout ce beau monde pour un copieux repas bien local : riz, feijao (haricots noir-rouges typiques d’ici), farofa (farine de manioc), spaghettis, poulet, viande de bœuf, crabes, crevettes, … On découvre la nourriture local d’ici avec beaucoup de joie, surtout pour nos estomacs. Au dessert, chacun se sert à sa guise de mangues et divers autres fruits. C’est la saison des mangues et en sommes plus que ravis. Nous (re)découvrons alors le vrai goût de ce fruit ; rien n’a voir avec les mangues importées en Suisse qui murissent dans des containers, puis dans des cartons en attendant d’être mises en vente. L’après-midi suit son cours et nous nous installons à l’ombre de la maison, entre le petit magasin de Kaka et la porte donnant sur la rue où le seul courant d’air du coin passe pour nous rafraichir. Nous y buvons une bière et profitons simplement de la vie en refaisant le monde. En fin de journée, Marie-France nous reconduit à notre auberge car nous souhaitons visiter les ruines d’Alcantara le lendemain. Le départ sera plus simple depuis là.


Alcantara :


Il est six heures du matin et nous nous rendons à la Marina pour prendre le ferry qui nous mènera à Alcantara. Il part à 6h30 afin de profiter de la marée haute. Cette fois-ci c’est bien une étendue d’eau qui s’offre à nous et non plus une étendue de vase ! Nous achetons nos billets et embarquons. Les locaux sont présents ainsi que quelques touristes brésiliens en vacances dans le coin. Nous voilà partis pour deux heures de bateau rythmées par la force des vagues. Le bras de mer séparant Sao Luis d’Alcantara est long de cinquante kilomètres environ. Après un première demi-heure au calme, les vagues viennent secouer le bateau de plus en plus violemment. Nos ventres s’accrochent tant bien que mal et seront heureux de débarquer pour un petit-déjeuner bien mérité. Nous achetons deux bouts de gâteau et un jus de fruits de la passion avant de nous installer sur un banc et de profiter de l’ambiance si particulière. Ce petit village est rempli d’anciennes ruines de l’époque coloniale. En effet, dans les années 1650, l’aristocratie de l’état vivait dans cette petite ville construite par les esclaves noirs. La croissance de la ville voisine, Sao Luis, mènera Alcantara au déclin ; il n’en reste aujourd’hui que de nombreuses ruines. L’atmosphère qui règne ici nous donne l’impression d’être dans un autre espace-temps. Le calme et la tranquillité des gens, la chaleur étouffante, les maisons colorées mais légèrement délabrées, les odeurs de la mer, le cri de oiseaux et de criquets, … nous nous laissons emmener dans l’Histoire.



Le ventre plein, nous partons à l’attaque des rues pavées et les escaliers qui semblent nous attendre. Nous montons gentiment sous la chaleur étouffante et le regard amusé des brésiliens. Nous finissons par arriver sur une première place. Les maisons colorées des habitants locaux se font voisines aux anciennes ruines de la ville déchue. La vue sur la mer est belle et nous apercevons même un ibis rouge en plein vol. Nos pas nous mènent sur la place principale où se trouve l’ancienne maison de l’empereur. Le pilori de marbre blanc où étaient fouettés les esclaves noirs reste là, honteux à se remémorer la souffrance qui gisait à son pied. Les ruines sont les témoins d’une Histoire dure et difficile à se représenter.


Nous continuons notre périple par quelques rues oubliées et tombons sur d’autres ruines en partie recouverte par la végétation. Les palmiers, bananiers mais aussi les lézards y ont établi leur demeure. Nous devinons la vieille église du village entre deux palmiers ; elle est belle est bien restaurée. Une petite fille et sa maman s’occupent de vendre les tickets d’entrée. Etant les premiers visiteurs de la journée, elle n’a pas encore de « cambio » pour nous rendre la monnaie. Elle nous propose de continuer notre visite, de l’église et de la ville, et de revenir plus tard récupérer notre argent. C’est aussi simple que cela. La vie semble se dérouler de manière si calme et ne pas connaître le stress. Ça nous plaît.



Nous suivons la rue principale bordée de petits shops et restaurants. Le quartier est plus vivant qu’avant. Les locaux envahissent les rues et animent le quartier. A nouveau, leurs regards doux mais insistants ne savent pas nous dévisager discrètement, alors nous leur sourions comme seule monnaie d’échange. On se laisse tenter par une petite glace à la noix de coco tout en flânant dans ces rues débordantes de vie. La fin du village approche et nous rejoignons la grande route, là où les pavés s’arrêtent pour laisser place au goudron. Nous faisons donc demi-tour et profitons une seconde fois du décor pittoresque.

Un homme s’approche de nous pour nous demander notre nationalité. Nous sommes les seuls blancs du village, il est donc facile de nous repérer, même de loin. Il s’agit d’un Allemand expatrié depuis de nombreuses années. Il semble très content de voir des européens dans son petit village d’adoption. Nous discutons tous les trois avec un plaisir partagé. Après s’être salués, nous nous regardons épatés de réaliser que nous avons compris toute sa tirade en portugais. Il ne nous semble pourtant pas avoir pris des cours de langues accélérés pendant la nuit, … Ou alors le fait qu’il parle sans accent brésilien a joué en notre faveur. Voilà qui nous redonne un peu de moral. Nous nous remettons en marche en direction du port, sans oublier de faire un crochet par l’église pour récupérer notre monnaie. Le même bateau nous attend, le départ est imminent.



La traversée du retour sera plus calme et nous permettra d’apprécier davantage le trajet. Nous débarquons sur les quais de Sao Luis et profitons de l’après-midi pour nous promener sur la rade alors que la marée est encore haute.

Nous profitons de faire un peu de shopping et ainsi compléter notre éventail de souvenirs tant pour nous que pour l’entourage. Nous savons que Marie-France rentrera cet été en Suisse et sommes ravis de pouvoir lui laisser quelques kilos d’affaires dans ses bagages.

De là, nous nous rendons directement au terminal de bus afin de rejoindre la maison de Luisa en fin d’après-midi. Nous sommes le 5 décembre (cela vous montre bien à quel point nous avons du retard dans l’écriture du blog) et nous sommes attendus pour fêter mon anniversaire. Nous trouvons sans peine notre arrêt de bus, ainsi que la maison de Luisa. La soirée sera bien sympa et tranquille, comme on les aime. Quel bien cela fait de se sentir comme à la maison, de mettre les pieds sous la table, manger, rigoler, discuter. J’aurai même droit à un joyeux anniversaire chanté en portugais et de la glace movenpick au chocolat pour le dessert ! Nous finirons la soirée par quelques parties de UNO avec les enfants de Marie-France et de Luisa. Bref, ce fut une belle journée d’anniversaire sous la chaleur brésilienne.



La journée suivante ne sera pas trop pénible : grasse matinée, lecture, sudoku, UNO, football, et sieste dans les hamacs. Le départ pour Barreirinhas est retardé d’un jour. En effet, ce soir a lieu le mariage d’une des cousines de la famille et nous sommes tous invités pour la fête après la cérémonie civile. Nous mettons donc nos plus beaux habits de backpackers et nous rendons dans la maison des beaux-parents de la mariée à quelques blocs de voiture de là. Nous arrivons et sommes présentés aux mariés ainsi qu’à toute la famille : les oncles, tantes, cousins, cousines, amis, copains, copines, … Pas le temps de dire ouf, que nous sommes installés à une table avec de la bière fraiche et des pastelles pour l’apéritif. Le repas a été entièrement cuisiné par la famille et est servi sous forme de buffet. Les plats seront excellents et remplis de nouvelles saveurs pour nos papilles gustatives. En fin de soirée, on pousse les tables et les chaises et faisons de la place pour la piste de danse. La musique populaire typique d’ici envahi la pièce et fait résonner les murs. Nous aurons droit à nos premiers cours de samba ; parfois il faut jeter le poisson dans l’eau pour qu’il apprenne à nager ! Après une photo avec les mariés devant le gâteau, nous reprendrons la route dans la nuit pour rejoindre nos petits lits douillets. Nous partons le lendemain matin tôt pour Barreirinhas, la ville où vit Marie-France.




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