POTOSI
Notre arrivée:
Après en avoir pris plein les yeux pendant nos 4 heures de bus depuis Uyuni, nous arrivons en début de soirée à Potosi. Cette ville perchée à plus de 4000 m d’altitude, au milieu de la cordillère, est dominée par la montagne qui la rendit tristement célèbre : Le Cerro Rico. En effet cette montagne (qui est aujourd’hui plutôt un gruyère) abrite les mines d’argent qui firent la richesse de l’Espagne durant l’époque coloniale. Aujourd’hui toujours en activité, ces mines restent le poumon économique principal de la ville.
Le terminal de bus se trouve tout en bas de la ville. Même si les taxis ne manquent pas, nous décidons de monter à pied, avec nos gros sacs, afin de trouver une auberge et faire une première immersion dans cette nouvelle ville. Il y a du monde partout, ça grouille comme une fourmilière. De plus, la grande majorité des voitures et les bus sont des vieux tacots qui dégagent une pollution telle qu’il est difficile de respirer sans s’inquiéter pour nos poumons.
On enjambe les chiens, on évite les « mamas » boliviennes, on se lèche les babines en regardant les cabanes à frites (ou à burgers), on traverse des places bondées de jeunes, on traverse une seconde place où d’autres jouent au babyfoot, on retrouve les trois backpackers de notre bus en train de commander un burger-frite façon Bolivie pour 5 bolivianos (environ 70 centimes), on continue notre chemin, on se perd une fois, deux fois, puis nous trouvons une première auberge. Malheureusement elle est complète. Le type de l’accueil nous en conseille une autre. D’un bon pas, nous nous y rendons, accompagnés de Christian, un backpacker allemand également à la recherche d’un toit pour la nuit. Nous y trouvons une chambre, La Realeza sera donc notre maison pour les prochains jours.
Nous n’avons pas le courage de ressortir pour souper, alors nous finissons nos restes du tour d’Uyuni et allons nous coucher.
Visite de la ville:
On a souvent tendance à prendre un rythme de visite comme si nous étions en voyage deux semaines et qu’il ne fallait pas perdre une minute. Seulement, nous réalisons que cela fait déjà un mois que nous trottons et que la fatigue se fait sentir, tant dans notre corps que dans notre humeur. C’est pourquoi nous décidons de nous octroyer un jour de repos par semaine, ou en tout cas à chaque fois que l’on aura fait quelque chose de vraiment crevant et ceci pour le bien de la communauté. C’est donc tout naturellement que nous prenons cette première journée à Potosi pour nous reposer. On voulait faire la grasse matinée mais le petit déjeuner n’est servi que jusqu’à 9:00, alors bon, nous finissons par nous lever à 8:45 pour aller nous empiffrer de Dulce Leche. C’est une sorte de lait condensé à tartiner (le meilleur truc qu’on ait mangé après le Nutella, on vous en ramènera si on peut!). Xavier profite d’organiser sa journée du lendemain. Il part avec Christian, l’allemand rencontré la veille, à la recherche d’un bon prix pour une visite guidée des mines et de l’extraction des minerais. Delphine renoncera à cette expédition, sa claustrophobie aura raison d’elle… Quelques agences plus tard, nous trouvons un prix correct pour une visite le lendemain matin avec un ancien mineur. Un petit skype avec la famille, une bonne douche chaude, des baskets et hop, on sort tranquillement visiter les rues de Potosi, flâner et vivre très simplement.
Bien qu’il fasse frais la nuit (oui, on est en hiver ici quand même!), durant la journée la température monte et il fait bon. L’air étant toujours relativement pollué, nous cherchons désespérément des coins de rues sans voiture. On s’engouffre alors dans les avenues piétonnes et dans les marchés couverts bien typiques.
On poursuit notre balade en direction de la cathédrale dans le but de grimper jusqu'au sommet de la tour pour admirer le panorama, mais elle est fermée jusqu’en début d’après-midi (comme pratiquement tout ce qu'il y a à faire ou à voir dans la ville). Sans être vraiment déçus, nous nous dirigeons vers la place traversée de nuit la veille et nous trouvons des empanadas (oui oui, les fameuses… toujours là!) pour le dîner.
On se remet en route et finalement nous retournons à l’auberge nous reposer.
Quelques heures plus tard, nous décidons de nous rendre au couvent Santa Teresa, un couvent carmélite de l’époque coloniale réputé pour ses visites guidées. La chance est avec nous, une visite en français vient de débuter. On rejoint le groupe et passons deux heures à découvrir les lieux en s’imaginant la vie de l’époque. Il existait une tradition dans chaque famille noble et riche : la fille aînée se mariait et avait des enfants, la seconde allait au couvent et la troisième partait à l’armée. Aucun autre choix possible, c’était comme cela. Une fois que les filles entraient au couvent, souvent dès 14 ans, elles ne pouvaient plus en sortir de leur vie. A leur mort, elles étaient même enterrées sous le sol du couvent. Une vie qui nous semble aujourd’hui assez proche de l’emprisonnement. De plus, la famille devait payer une dote très importante afin que la fille puisse entrer au couvent.
Il a été restauré et transformé en musée qui se visite avec beaucoup d’enthousiasme et de curiosité.
Les mines et le Cerro Rico:
Le départ est fixé à 9h. A 9h30, le guide arrive et nous montons dans un minibus en sale état. Notre groupe est composé de 7 personnes. Après 10 minutes de route, nous nous retrouvons dans un vestiaire pour enfiler nos habits de mineurs pour la journée. Des bottes, un pantalon, une tunique, un casque avec un lampe, ainsi qu’un sac nous sont distribués. On remonte en voiture pour aller en direction du marché des mineurs. C’est là que les travailleurs viennent faire leurs emplettes avant de descendre dans les entrailles de la montagne pour la journée. Le guide nous explique que Potosi est la seule place où la dynamite peut être achetée librement (j’ai renoncé à en acheter, pour ne pas avoir trop de problème à la douane lors de notre retour en Suisse…). Les mineurs y achètent également des feuilles de coca (feuilles qui servent à la fabrication du Coca Cola, mais aussi de la cocaine) qu’ils mâchent pour en former une boule dans le coin de la joue. Il complète cela avec des sortes de barres de protéine, du sodium et des sodas afin de pouvoir tenir la journée sans manger dans la mine. Les mineurs boivent (bien que très peu, juste des shots!) aussi de l’alcool à 96 degrés. Celui-ci sert principalement d’offrande au dieu de la montagne, Tio. Nous achetons, comme il est de coutume, quelques cadeaux (soda, feuille de coca, cigarettes…) pour les mineurs que nous allons rencontrer sur notre route.
Un peu plus loin, nous visitons un centre d’extraction des minerais. Le guide s'empresse de nous faire mettre nos masques de chirurgien. Une odeur de produit toxique se dégage de l’entrepôt dans lequel nous entrons. Les minerais sont concassés et mélangés avec différents produits chimiques afin d’en extraire du zinc, de l’étain, du plomb… et un peu d’argent si la chance leur sourit. En effet les filons s’épuisent et il devient de plus en plus dur de gagner sa vie à la mine.
Sans s'attarder (je regrette presque l’odeur des gaz d’échappement de la ville…) nous remontons dans le minibus afin de nous rendre cette fois-ci sur le Cerro Rico, à l’entrée d’une des mines (plus de 30 coopératives exploitent la montagne, chacune ayant sa propre organisation et sa propre mine). C’est par une échelle en bois très branlante que nous descendons dans les profondeurs… En bas de l’échelle, il s’agit d’avancer sur les genoux sur 10 m pour arriver dans l’un des couloirs principaux. Un rail au sol permet aux mineurs d’amener des chariots de plus d’une tonne vers le treuil qui sert à sortir les minerais. Nous avançons encore, quand soudain, le guide nous ordonne de faire demi-tour ! Un chariot poussé par 2 mineurs arrive et il n’est pas question de le stopper (j’ai d’ailleurs des doutes qu’il ait des freins…) Nous courons donc en sens inverse et le chariot passe. Nous repartons, montons des échelles, rampons, … le rythme est soutenu et nous sommes vite essoufflés, à 4000 m d’altitude, dans le noir et la poussière, perdu dans ce labyrinthe et oppressé par l’atmosphère qui règne sous la montagne.
Soudain, le guide s’arrête devant un trou de 10 mètres et lance quelques mots en espagnol. Un mineur est en bas en train de piocher. Difficile de voir grand-chose hormis sa lampe. Mais pas le temps de traîner, le mineur va bientôt faire sauter sa dynamite. Trois couloirs plus loin, « Boom … Booom », la terre tremble, on espère tous que la galerie ne va pas s’effondrer. Nous arrivons à l’heure de la pause, trouvons 4 autres mineurs en train de mâcher leurs feuilles de coca devant la statue du dieu Tio, (oncle). Le guide nous explique qu’il s’agit du dieu de la montagne. Dehors, c’est la « Pachamama » (mère nature) qui règne, mais ici, en opposition, c’est lui. Les mineurs lui font des offrandes de coca, de cigarettes et d’alcool afin qu’il les protège et les guide vers le bon filon. Quelques maigres mots sont partagés avec les mineurs et nous repartons en direction de la sortie. Quelle joie de revoir la lumière du soleil. Nous sommes tous sans voix de part le spectacle que nous avons vu. Chaque année des mineurs meurent dans la mine. De plus, les maladies des poumons guettent à cause de la poussière de silice. Mais finalement, la ville n’offre pas d’autres emplois et ils espèrent tous trouver un jour le bon filon…
Une fois Xavier de retour, épuisé et poussiéreux, je l’incite à prendre une bonne douche avant de me raconter sa visite dans le monde souterrain. Nous passons une heure à regarder ses photos qu'il me commente et me décrit une à une. Le temps file et nous décidons de sortir de l’hostel pour nous rendre à un point de vue que Xavier a trouvé sur la carte. C’est en fait un restaurant panoramique d'où la vue semble belle. En chemin, nous rencontrons un vieux monsieur qui nous explique que la route est fermée et le site désaffecté. Il nous montre alors le chemin officieux par lequel passer. Officieux c’est le mot car le chemin démarre par un trou dans le grillage. Nous montons et une fois en haut, nous sommes accueillis en fanfare par trois chiens loin d’être commodes. On comprend tout de suite que contrairement à Bobby 1 et 2, ceux-ci ne sont pas là pour les câlins mais pour défendre leur territoire. On redescend aussi vite qu’on est monté.
N’étant pas loin du terminal où nous étions arrivés, nous décidons d’aller y faire un tour pour se renseigner sur les horaires et les prix des bus en partance pour Sucre. Nous avons bien fait d’y aller car la dame que l’on rencontre là-bas nous informe que ce terminal n’est que pour Uyuni et que si l’on souhaite aller à Sucre il faut nous rendre au second terminal, Nueva Terminal. Voilà qui nous a évité des kilomètres à pied le lendemain! Contents de cette information, nous nous remettons en route pour trouver un bon petit restaurant avant cette fin de journée. C’est non loin de l’auberge que nous trouvons une première pizzeria. Les deux seules personnes présentes sont des enfants alors on leur demande s’il est possible de manger. Avec une réponse affirmative, la plus grande nous donne la carte et on s’installe. Les enfants continuent de regarder la télé pendant que nous nous demandons si vraiment il y a quelqu’un d’autre dans ce restaurant. Après 20 minutes d’attente, nous décidons de partir. Nous retournons à l’auberge poser nos affaires, récupérer le linge que nous avions déposé à la laverie et nous repartons en direction d’une autre pizzeria qui elle, est bondée de locaux. On s’y engouffre et découvrons avec joie que les pizzas sont faites au feu de bois. L'estomac bien rempli, nous rentrons à l’auberge nous coucher, claqués par notre rhume qui perdure et par la journée bien remplie.
Le lendemain, nous empaquetons toutes nos affaires, faisons le checkout et prenons un taxi en direction de la Nueva Terminal. On n’est pas mécontent de quitter Potosi. Même si on a aimé l’ambiance de la ville et nos premiers pas en Bolivie, Potosi n’est pas vraiment la ville la plus charmante qui existe. La fumée des pots d’échappement, l’altitude (on est à 4000 m) et les rues toujours en pente de cette ville auront eu raison de nous. On se réjouit de découvrir Sucre et une altitude plus raisonnable.
Timing parfait, le bus pour Sucre part dans 15 minutes + 20 minutes de retard. Nous payons 30 bolivianos chacun et en voiture Simone. C’est reparti pour 4 heures de bus.