top of page

TREK DE L'AUSANGATE

Le trek de l’Ausangate et son détour par la Rainbow Mountain se mérite! Il demande de la persévérance, de la patience, de la bonne humeur et surtout des cuisses et un mental d’acier. Tout ça, surtout si vous faites ce trek en autonomie complète pendant six jours. On en a chié.


Premier jour:


Le réveil sonne à 6:00, le type de l’auberge, qui est devenu notre pote depuis vingt jours, nous a commandé un taxi pour 6:30. On s’habille, on avale un petit-déjeuner en quatrième vitesse et hop nous voilà à bord du taxi. On se rend dans un coin de Cusco, un peu en périphérie, que nous n’avons encore pas visité. Après quinze minutes de route, il nous lâche près du Coliseo d’où nous cherchons l’arrêt de bus pour Tinke. On arrive un peu en avance par rapport à l’horaire que nous avions lu sur internet. Le bus part à 7:20. Nous achetons nos billets et attendons le départ en terminant nos petits pains.


Le bus démarre et on se laisse transporter pendant trois heures jusqu’à Tinke, un petit village perdu proche des montagnes à 3800m. Dans le bus, beaucoup de locaux qui s’arrêteront avant nous, notamment des jeunes qui vont dans des écoles spéciales. Mais nous ne sommes pas les seuls « gringos » cette fois-ci car cinq autres personnes sont visiblement parées pour faire le même trek.


Une fois arrivés à Tinke, nous reprenons nos sacs, échangeons quelques mots avec les cinq autres randonneurs américains, profitons d’acheter encore de quoi terminer notre petit-déjeuner trop rapide et vérifions que tout est en ordre avec nos sacs. Voilà que je réalise que mon sac paraît bien mouillé… Je l’ouvre rapidement et constate que mon camelback (poche à eau) s’est vidé de son eau durant le trajet de bus. Résultat des courses, doudoune en plumes d’oie et thermiques pour la nuit trempés. Le seul point positif que j’y vois est que mon sac sera moins lourd d’un kilo! Nous ne le savons pas encore, mais toute une série de mésaventures commence à ce moment-là pour le reste de la semaine. On accroche ce qu’on peut sur nos sacs pour que ça sèche au plus vite. Heureusement que le soleil est de la partie.


Nous mettons les sacs sur le dos, saluons les autres marcheurs et nous nous dirigeons vers l’entrée du parc national. Nous nous acquittons de notre droit d’entrée de 10 soles chacun, nous inscrivons dans le registre et constatons que nos deux amis Américains Ferrel et Taylor, rencontrés durant le trek du Salkantay, sont eux aussi inscrits quelques lignes plus haut. L’aventure commence.


Le premier jour de marche est peu intéressant. Pour le moment, cela ressemble à une marche d’approche avant d’attaquer la montagne. Nous marchons donc sur une route faite de terre et de cailloux, entourée de champs. Nous mangeons la poussière à chaque fois qu’une voiture ou qu’une moto nous dépasse. De nombreuses petites maisons bordent la piste et nous croisons beaucoup d’enfants venus réclamer des bonbons. Nous n’avons qu’une banane à leur offrir qu’ils ont l’air d’apprécier malgré tout. Nous préférons garder nos victuailles pour les jours à venir, nous ne savons pas ce qu’il nous attend ! Le chemin monte en pente douce, pourtant le poids de nos sacs la rend difficile. On se demande si nous n’avons pas été trop audacieux en voulant nous débrouiller seuls pendant 6 jours. Nous croisons plusieurs villageois allant en sens inverse et nous discutons rapidement avec eux. Ils sont intrigués par notre chargement conséquent et nous demande quel est notre plan de route. En entendant notre itinéraire, ils nous proposent instinctivement de nous pousser en voiture jusqu’au premier campement atteignable par la route. Ce n’est pas l’esprit dans lequel nous avons débuter ce trek et nous déclinons systématiquement toutes leurs offres.



Quelques heures plus tard, la pluie s’abat sur nous sans ménagement et est suivie par la grêle. On se met à l’abri comme on peut sous un avant-toit et profitons de pique-niquer en attendant que l’intempérie ne passe son chemin. Une petite accalmie nous pousse à reprendre la route. Nous ne voyons encore rien du massif de l’Ausangate ni du campement vers lequel nous nous dirigeons. L’application tant appréciée de Xavier nous informe que nous avons raté la bifurcation à droite un peu plus bas. N’ayant pas le courage de redescendre, nous coupons et grimpons à travers champs. Ça donne le ton pour les jours à venir et on essaie de ne pas perdre courage. Au loin, nous apercevons l’équipe des cinq autres randonneurs qui montent eux aussi à travers champs ; ce qui confirme notre direction. Nous continuons de grimper en direction d’un mur de pierres qui devrait être la frontière avec la descente au campement. Une fois en haut, la vue est agréablement belle. Le massif de l’Ausangate culminant à 6384 mètres trône en toile de fond. Le but est d’en faire le tour (avec un petit détour) durant notre trek. Notre campement pour la nuit est encore à quelques kilomètres de là ; il faudra descendre une pente assez raide, traverser tout une étendue marécageuse et la rivière plusieurs fois avant de le rejoindre, mais surtout il faudra jouer au contre la montre avec l’orage qui nous trousse.



Nous finissons par arriver à Upis, le campement situé à 4400m, en fin de journée où nous trouvons deux Américains déjà bien installés avec leur guide, leur cuisinier et leurs muletiers. Nous trouvons un coin plat où poser les sacs et planter la tente. L’orage n’est finalement pas arrivé jusqu’à nous et profitons d’un ciel bleu superbe pour aller visiter le campement. Nous trouvons toute une infrastructure de sources d’eau thermales laissées à l’abandon. Le gars qui s’en occupait est reparti en terres natales et personne n’a repris le flambeau après son départ ce qui est assez regrettable.


L’heure avance et nous retournons près de notre tente pour préparer le souper. Ce soir, nous mangerons des pâtes à la sauce tomate. Je m’occupe d’aller chercher l’eau à la rivière pendant que Xavier sort tout le matériel nécessaire. Nous mettons les pâtes à cuire et n’avons plus que sept petites minutes à attendre tout en buvant un thé de coca. Le soleil décline gentiment et nous ressentons le froid vif qui arrive. On se réjouit de manger un repas chaud et d’aller nous coucher. Mais voilà qu’au moment de mettre la sauce tomate, la casserole tombe parterre et une partie des pâtes se renversent sur le sol. On récupère tout ce que l’on peut et mangeons quand même.

Xavier est bien plus courageux que moi ; il fait nuit depuis déjà un petit moment mais il s’en va tout de même faire la vaisselle à la rivière à l’aide de sa lampe frontale malgré le froid de canard omniprésent. Moi, j’en profite pour préparer les sacs de couchage, nos affaires pour la nuit et de me mettre au chaud en l’attendant. Il est finalement 18:51 quand nous nous couchons.



Deuxième jour:


La lumière du jour vient nous réveiller à 5:30. Comme nous trouvons ce réveil bien trop matinal, nous décidons de flemmer encore un peu. Enfin, pas beaucoup plus car nous finissons par nous lever à 6:00. Il fait beau mais froid. On sort vite la casserole, on fait chauffer de l’eau pour se préparer un bon thé en attendant que le soleil sorte de derrière la montagne. Je prépare les petit-déjeuners : flocons d’avoine, bananes sèches, céréales complètes, lait en poudre, mélange pour bébé. Un bon mix pour que notre estomac ne se manifeste pas trop rapidement.

Nous nous mettons en route les derniers à 8:00, en suivant les muletiers et leurs ânes. C’est une longue journée qui nous attend avec des sacs pas beaucoup moins lourds que la veille. Nous attaquons alors notre premier col, celui d’Arapa, à 4850m d’altitude tout tranquillement. Le beau temps est de la partie bien que les nuages arrivent déjà. Le paysage est très beau et nous savons que ce n’est que le premier jour. Les muletiers nous distancent et nous nous retrouvons rapidement seuls au monde. Nous arrivons au col deux heures plus tard, content de notre rythme. Bon, il faut dire que la montée n’a pas été de tout repos ; il faut se battre avec le mental après chaque pas. La vue depuis le col n’est pas aussi spectaculaire qu’attendue. En fait, le col n’est qu’une vulgaire bosse agrémentée d’un panneau sans lequel nous n’aurions probablement pas remarquer notre arrivée au sommet.



Nous entamons une redescente qui ressemble plus à un faux plat qu’à une descente. Pourtant, progressivement nous perdons de l’altitude. Nous naviguons dans un terrain marécageux par endroit en se demandant bien où cela nous mènera. Nous avons perdu les mules de vue depuis un bon bout de temps et n’avons plus que cet immense cirque montagneux à perte de vue comme compagnie (et ce n’est pas pour nous déplaire). Nous poursuivons dans la direction que maps.me nous indique car nous avons perdu toute trace de chemin depuis bien longtemps. Nous finissons par rejoindre un passage qui ressemble nettement plus à un col que le précédent mais qui n’est qu’un passage rocheux. On s’arrête faire une pause à cet endroit, on mange une barre de céréales et Xavier monte au sommet du pic rocheux un peu plus haut pour y admirer la vue. Moi, vous pensez bien, je l’attends en bas ! Sur notre gauche, la montagne Ausangate trône fièrement. Ses nombreux glaciers l’habillent de blanc et contraste avec le gris-noir de la roche. Devant nous, deux vallées : la première nous promet un retour certain à la civilisation, une seconde longe le flanc de la montagne. C’est par ici que nous continuerons.


Nous nous armons de courage et descendons à flanc de montagne. De là, nous pouvons apercevoir les mules au loin ; nous ne sommes pas si lents que ça après tout ! Cependant, il faudra quand même accélérer un peu le pas car les nuages s’épaississent de tout côté et nous pouvons même entendre l’orage gronder.

Le chemin nous mène vers un ensemble de petites lagunes plus belles les unes que les autres. L’eau est clair et lisse, les transformant en miroirs et reflétant les montagnes d’en face. Un si beau spectacle mérite quelques photos.



Un peu plus loin sur la route, nous retrouvons les deux Américains de la veille, partis avec leur guide une heure et demie avant nous ce matin. Les muletiers et cuisiniers les ont rattrapés et vont installer le campement pour dîner. Nous décidons de faire de même et allons nous asseoir un peu plus loin. Derrière quelques rochers, une grande lagune se cache. Ce magnifique lac bleu-azure nous laisse pantois. La nature ne cessera donc jamais de nous émerveiller ! La beauté du coin nous rend silencieux et nous mangeons notre pique-nique en écoutant les oiseaux et l’eau du lac s’écouler dans la rivière.



Une demi-heure plus tard, il est déjà temps de se remettre en route. Nous parlons rapidement avec les guides des deux Américains pour nous assurer du chemin. Comme nous voulons aller à la montagne colorée (Rainbow Moutnain) le lendemain, ils nous suggèrent de ne pas nous rendre au prochain campement (celui de l’Ausangate Cocha) afin de nous éviter un détour, mais de prendre un autre col, puis de redescendre jusqu’à une lodge. Nous regardons le petit dessin qu’il vient de tracer au sol car cette fois-ci maps.me n’a pas de chemin à nous proposer ! Nous trouvons cependant la lodge dont le guide parle et la prenons comme point de référence.


Nous sommes un peu pressés par la météo, le temps se dégrade rapidement et nous avons peur de nous retrouver coincés au milieu d’une paroi rocheuse. Nous quittons rapidement le sentier officiel pour nous diriger vers le col dont le guide nous parlait un peu plus tôt. Le chemin est raide et caillouteux mais nous offre une vue magnifique sur d’autres lagunes en contrebas. Il n’est pas facile de progresser rapidement dans ce terrain. Comme nous ne visualisons pas le passage du col, nous nous fixons un point en hauteur en espérant que le col sera un peu plus bas que ça. L’orage gronde derrière nous, les nuages noirs s’accumulent de toute part et la neige finit par faire son apparition. Mêlée au vent, elle nous fouette le visage. On couvre nos sacs et sort nos vestes. On se protège comme on peut et on avance. En bas, nous apercevons des petits points de couleurs progresser eux aussi entre les flocons. Les Américains et leur guide sont en direction du second campement. Nous finissons finalement par arriver au col à 4930 mètres, le souffle court et épuisés. Nous déposons les sacs et admirons la vue qui s’offre à nous à 360 degrés.


D’un côté, les nuages et la neige. De l’autre, un ciel pas tout à fait bleu mais sans intempérie qui procure aux montagnes de magnifiques zones d’ombre venant embellir leurs couleurs rougeoyantes.



En voyant où se trouve la lodge sur la carte et ce qui se présente devant nous, nous espérons ne pas devoir redescendre dans la vallée afin de tout remonter car cela nous prendrait plus de temps que pensé et de l’énergie que nous n’avons plus en stock ! C’est pourquoi nous suivons quelques traces visibles au sol, longeons la crête ainsi qu’une autre face montagneuse en espérant trouver un petit sentier coincé entre ces rochers. Malheureusement, nous finissons par tomber nez à nez avec une paroi rocheuse infranchissable. Ce que nous redoutions plus tôt est arrivé, il va falloir redescendre et remonter.


Sur le chemin, nous croisons quelques alpacas et viscachas qui jouent à cache-cache. Un peu plus haut, une bergère s’abrite tant bien que mal dans un petit abri de pierre. Nous constatons aussi que le soleil est en train de chasser les nuages pour laisser place petit à petit à un ciel bleu inespéré. Le temps est magnifique, changeant et inattendu. Nous n’avons plus ni carburant ni courage pour marcher la dernière heure jusqu’à la lodge. Nous installons alors le campement au bord d’une petite rivière, face à une magnifique montagne qui nous rappelle notre Cervin.


Une fois la tente montée, on s’attelle à la préparation du souper. Ce soir, ce sera nouilles chinoises et pain agrémenté d’un petit thé de coca. Pendant que Xavier met l’eau à chauffer, je m’éclipse pour aller faire quelques photos du coin. Le soleil ayant fait son apparition un peu plus tôt nous offre encore une fois de beaux reflets des montagnes avoisinantes. On ne s’en lasse pas.



La nuit tombe progressivement et le froid attaque nos membres. Nous profitons des derniers rayons du soleil pour finir nos nouilles et faire la vaisselle, puis nous nous mettons au chaud dans la tente.

Au moment de me glisser dans mon sac de couchage, j’y dépose mon appareil photo au fond pour qu’il ait tout autant chaud que moi pendant la nuit et qu’il garde un peu de ses batteries. Xavier m’ayant cousu une chouette fourre avant notre départ, je le mets dedans pour gagner quelques degrés. Mais voilà que nous entendons un « pffff ». On se regarde et nous savons tous les deux ce qui vient de se passer. On cherche désespérément l’endroit de l’accroche, puis nous finissons par trouver le trou sur mon matelas ! La fourre de l’appareil photo contenait encore une aiguille coincée entre deux coutures. Après nos deux mois et demi de voyage, il a fallu qu’elle se décide à sortir à ce moment-là ! Nous sortons alors le kit de réparation des matelas et on recolle le trou. On laisse sécher la colle quelques minutes avant de regonfler le matelas. Cela semble tenir pour le moment mais nous espérons surtout que cela tiendra pour la nuit et le reste du trek.


Troisième jour :


Nous nous réveillons encore une fois avec la lumière du jour à 5h30, dans le froid. Je constate avec joie que mon matelas a bien survécu à sa nuit. Xavier ouvre son auvent et nous préparons le petit déjeuner depuis les sacs de couchage, pour profiter au maximum du chaud. Une fois nos estomacs remplis, nous accomplissons chacun nos tâches respectives : Xavier à la vaisselle et au rangement de la cuisine, moi au rangement des affaires dans la tente, des sacs de couchage et des matelas. En mettant les pieds dehors, on découvre un ciel bleu magnifique et les troupeaux d’alpacas venant reprendre leurs quartiers.


Aujourd’hui, la route sera longue. Nous devons passer un col, plusieurs grosses collines, monter au sommet du point de vue de la montagne colorée et finalement rejoindre les sentiers du trek de l’Ausangate. Nous quittons notre campement à huit heures et nous atteignons la lodge environ trois quarts d’heures plus tard. Nous y trouvons un vieux monsieur qui nous indique le chemin du col. Il nous garantit qu’en une demi-heure nous serons en haut. Remplis d’espoir et confiants, nous entamons cette montée. Mais les minutes tournent et le sommet du col est encore bien loin. Cette montée n’avait l’air de rien, au loin. Mais elle est bien plus raide et difficile que pensé. Nous mettons un pied devant l’autre et finissons par y arriver. On regarde l’altimètre et on comprend une partie de notre difficulté : cette fois-ci nous sommes à 5000 m ! Un vent fort nous prend par surprise et nous incite à ne pas nous arrêter trop longtemps. Nous nous abritons derrière un gros rocher et prenons tout de même le temps de regarder ce qui s’offre à nous. Nous apercevons, au fond, la montagne colorée que l’on distingue par son arc-en-ciel de couleurs. Elle est encore loin mais elle redonne du courage.



La descente est courte et nous voilà déjà en train de fouler les sentiers des nombreuses collines pentues qu’il nous reste à franchir. Le but de cette journée est tout proche, il faut juste encore un peu d’énergie. Pour cela, on mange du beurre de cacahouète sur des barres de céréales. Ça redonne le petit coup de fouet nécessaire pour poursuivre.


Nous passons quelques lagunes, quelques lamas, remontons une ou deux petites collines pour mieux les redescendre. Non sans peine, nous rejoignons finalement le sentier qui sert d’autoroute aux nombreux touristes venus pour la journée à la Rainbow Moutain. Il est midi et tous sont en train de redescendre, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Le point culminant se trouve à 5200 m et s’atteint avec sueur. Le dernier bout raide (plus que raide, ça ressemble plutôt à un mur !) nous paraît insurmontable avec le poids de nos sacs sur le dos. Le vent et la neige qui viennent tout juste de faire leur apparition nous font changer de dimension. Nous ne conversons plus qu’avec notre conscience et essayons de lui négocier un pas supplémentaire après chaque pas déjà avancé. Nous atteignons finalement le sommet et quelques larmes viennent embuer notre vision. Depuis le temps, nous savons bien que tout est toujours plus beau vu d’en haut. Mais comme rien n’est jamais gratuit, il faut en payer un prix ; celui de souffrir tant mentalement que physiquement pour mériter la vue si magique qui s’offre à nous à ce moment précis.


Nous nous sentons privilégiés d’être arrivés là à la force de nos mollets, d’avoir la santé nécessaire pour monter à cette altitude et ainsi d’être témoins d’un spectacle si spécial. Nous nous sentons minuscules face à la grandeur de ces montagnes et la beauté qu’elles nous partagent.

La montagne colorée porte très bien son nom et est absolument hallucinante. Différentes lignes de couleur rouge, jaune et bleu se succèdent. Sur la gauche, nous pouvons apercevoir toute la vallée que nous avons traversée aujourd’hui et sur la droite une autre vallée tout aussi belle que nous ne traverserons pas (ouf !). Les couleurs des roches sont d’un rouge ocre, le tout entrecoupé par le vert des prairies.



Le froid ne nous permet pas de nous attarder là-haut et reprenons le chemin inverse après quelques dizaines de minutes au sommet. Au moment de croiser le chemin des vendeuses de boissons, nous hésitons à prendre un coca mais le prix indécent d’une petite bouteille nous fait renoncer. Nous cherchons un coin tranquille et à l’abri du vent pour dîner. Une fois n’est pas coutume, nous rencontrons sur le chemin Bobby 54 qui partagera le repas avec nous, puis il est déjà temps de nous remettre en route.


Cette vallée est verdoyante et remplie de petits ruisseaux descendant tout droit des glaciers environnants. N’ayant plus d’eau dans nos camelbacks, nous nous arrêtons à un de ces ruisseaux pour pomper de l’eau. J’aperçois au loin une baraque à snacks et pendant que Xavier pompe à la force de ses bras, je m’en vais voir si le coca coûte un peu moins cher. Le type m’annonce que la petite bouteille coûte 4 soles ce qui est déjà trois soles de moins que plus haut. Pourtant, en lui faisant un large sourire, je me permets de la lui demander pour 3 soles. Il doit bien savoir qu’il n’y aura plus aucun touriste de la journée et accepte mon offre. Contente, je repars vers Xavier pour prendre le relais et par la même occasion travailler mes biceps.


Au moment de repartir, nous croisons un muletier avec ses chevaux et ses ânes en train de remonter chez lui. Curieux de nous voir avec de si gros sacs, il en profite pour nous faire la conversion et nous poser un tas de questions. Chouette moment de partage qui se termine par une bonne poignée de main.

Nous continuons de descendre jusqu’au petit village qui nous permettra de reprendre le chemin du trek de l’Ausangate. Nous remontons un bout et finissons par installer le campement à côté de la rivière. Nous sommes dans la vallée qui se trouve en dessous du campement de la veille. Jolie boucle en une journée.



Quatrième jour :


L’objectif du jour est de rejoindre le campement de l’Ausangate Cocha, celui où nous aurions dû nous rendre pour notre seconde nuit. Le chemin paraissait bien long sur le GPS mais finalement nous rejoignons le campement à peine trois heures de marche plus tard. La première pente est raide et nous sommes contents de profiter de la relative fraicheur du matin. Nous passons alors un village abandonné construit d’adobe rouge. Un beau plateau verdoyant s’ouvre devant nous. Une petite montée et nous sommes au campement prévu pour la nuit. Ne sachant pas trop la difficulté ni le temps nécessaire pour rejoindre le point de campement suivant, nous décidons de nous arrêter là et de prendre une journée de pause afin de recharger les batteries. Nous installons la tente et partons explorer les environs.



Après avoir passé un léger surplomb, nous découvrons le magnifique Ausangate Cocha (lac de l’Ausangate) qui s’étend sur toute la longueur du glacier du même nom. Des petites cascades tombant directement dans le lac décorent la paroi du glacier. Nous entendons les entrailles de la montagne gronder et voyons quelques blocs de glace s’effondrer. Sur la droite, on devine le chemin que nous emprunterons le lendemain pour aller au prochain col.

Nous retournons au campement et rencontrons un couple Colombo-canadien qui vient depuis le campement de Upis et qui se rend à la Rainbow Mountain. En fait, ils font exactement le même parcours que nous mais au lieu de couper plus tôt, ils ont choisi de faire le détour par le campement de l’Ausangate Cocha et de camper plus bas dans la vallée. L’heure avançant rapidement, ils se remettent en route et nous, nous allons faire la sieste au soleil.


La sieste fut de courte durée car un vent assez frais vient nous réveiller. Le ciel s’assombrit et ne laisse présager rien de bon. Nous rentrons nos affaires et nous mettons à l’abri dans la tente. Peu de temps après, un orage éclate et nous nous demandons si nous sommes vraiment à l’abri ici. De toute façon, nous n’avons pas beaucoup d’autres alternatives. Nous comptons les secondes espaçant le tonnerre et les éclairs et croisons les doigts.

Le tonnerre ayant l’air de nous épargner, nous nous détendons un peu et étudions le reste du trek. Une tuile n’arrivant jamais seule, Xavier réalise qu’il s’est trompé lors de son calcul de l’itinéraire et son nombre de jours. Il en avait calculé six mais n’avait pas compté le septième pour revenir jusqu’à Tinke. Nous voilà donc en train de faire l’inventaire des stocks de nourriture et de rationner pour les jours à venir. Nous avions pris bien assez de snacks et un petit repas de secours justement pour des cas comme celui-là. Nous espérons donc pouvoir tenir le jour supplémentaire ainsi.


La nuit est déjà là et le froid aussi. Après avoir soupé et fait la vaisselle dans la rivière dont l’eau était glacée, nous nous blottissons dans nos sacs de couchage, jouons aux cartes et allons dormir.



Cinquième jour :


Cette nuit, le tonnerre a à nouveau fait sa loi et la tente a tremblé. Une tempête de neige s’est abattue sur nous et nous découvrons le campement recouvert d’une fine couche blanche (et la tente aussi). Le froid s’est bien installé et n’a visiblement pas l’intention de s’en aller avant que le soleil n’arrive. Nous préparons le petit-déjeuner avec difficulté et hésitons à plusieurs reprises avant de sortir au petit coin quelques cailloux plus loin.


L’horloge tourne et il nous faut nous mettre en route. Nous prenons notre courage à deux mains, faisons la vaisselle et plions la tente encore largement mouillée. La neige a déjà pratiquement fondu, mais nous sortons malgré tout les petits gants, le bonnet, le tour de cou et nous partons pour le col du jour : le col de Palomani à 5100 m d’altitude.

Le chemin n’est pas des mieux indiqué avec la neige qui vient de tomber et le terrain boueux. Mais nous trouvons quelques traces de mules à suivre. Elles nous mènent à un replat avant d’entamer la grosse dernière ligne droite jusqu’au col. Le soleil n’arrive pas à percer les nuages encore trop denses. Nous avons quand même une jolie vue sur le campement de la veille.


La journée de pause que nous nous sommes octroyée la veille a apparemment été bénéfique. Nous ne nous arrêtons presque pas dans cette ascension et nous ne ressentons pas de difficultés tant respiratoires que musculaires. Cela nous permet d’atteindre le col en une heure et demie. Une fois là-haut, nous découvrons un ciel tout autant bouché de l’autre côté. Nous faisons une pause « beurre de cacahouète et barres de céréales » avant que le vent froid ne nous pousse à descendre. Nous sortons les bâtons et nous voilà déjà en train de trotter.



Tous les récits sur le trek du massif de l’Ausangate content toujours la même chose : beauté et paysages majestueux. Cela nous a donné envie de partir explorer ses terres et nous voilà entrain de conter nous aussi la même chose. Chaque col cache une merveille impossible à déceler à l’avance, qu’il fasse beau temps ou nuageux (voire même orageux). A chaque col franchi, ce sentiment de petitesse et d’humilité reprend le dessus. Cette nature est grande, belle, sauvage, intacte… La montagne est imprévisible et possède mille trésors à partager avec celui qui est prêt à les recevoir. Nous sommes sans voix devant la profondeur de la vallée dans laquelle nous sommes en train de descendre. L’Ausangate est toujours à nos côtés avec son glacier gigantesque. Nous découvrons une petite lagune d’une couleur rouge improbable à son pied. Le glacier plonge directement dans l’eau avec une paroi verticale impressionnante. Des vicunias effrayés par notre arrivée s’en vont plus loin, des bergères surveillant leurs troupeaux de moutons et d’alpacas nous font des signes de la main. C’est simple, beau et parfaitement péruvien.


Nous voilà arrivés dans le creux de la vallée et il nous faut à présent remonter dans celle d’à côté pour rejoindre le prochain point de campement. Le ciel est à nouveau noirci et nous entendons très distinctement le tonnerre au loin. Nous ne savons pas si nous aurons encore la chance d’être épargnés, mais il vaut mieux ne pas trop compter dessus. On traverse une prairie peinte de petites cascades et de rivières, la végétation a repris vie et tout est d’un vert éclatant. Cela contraste bien avec le désert de roches trouvé à 5100 m tout à l’heure. Il nous faut zigzaguer dans ce terrain marécageux et emprunter quelques ponts de bois ou de pierres. Le chemin nous conduit ensuite tout droit vers deux magnifiques guanacos, animaux semblables à des lamas mais qui sont plus nobles et bien plus rares.



Les nuages noirs montent le long de la vallée et le tonnerre s’approche plus vite que prévu, alors il nous faut déjà repartir en direction du campement. Le chemin est droit, en pente douce et sans fin. Les premières gouttes de pluie font leur apparition et cette fois-ci, le grondement du tonnerre nous donne la boule au ventre. On presse le pas et finissons par tomber sur le campement, soulagés. Nous avons à peine le temps de nous mettre à l’abri sous l’auvent de la petite maison que l’orage éclate déjà. Il laisse place à une pluie diluvienne et un froid de canard. Nous trouvons la porte de la maison ouverte et nous nous y réfugions pour faire du thé et attendre que la tempête ne passe.


Deux heures plus tard, nous trouvons un terrain détrempé et des flaques d’eau installées autour du campement mais un ciel d’un bleu irréel et un soleil éclatant. La météo est tellement imprévisible. Nous saisissons cette occasion pour installer la tente, jouer aux cartes, aller explorer le coin, rencontrer quelques viscachas, faire la sieste, … Mais comme un orage n’éclate que rarement dans un ciel sans nuage, nous avons le temps de voir les autres gros moutons noirs sortir de derrière l’imposante montagne à notre gauche. Nous décidons de faire à souper et sa vaisselle tant que le soleil nous donne encore un peu de chaleur. Une fois les corvées ménagères réalisées, nous nous mettons à l’abri dans notre tente et attendons que le prochain orage n’éclate.



Sixième jour :


Au moment de sortir de la tente à 6 :00 du matin, nous découvrons un ciel bouché de nuages gris et denses. A nouveau, le sol est recouvert d’une petite couche de neige. Nous qui avions comme objectif de franchir le col de Jampa, dernier col de la semaine et d’enchaîner les 20 kilomètres de descente jusqu’à Tinke afin d’essayer de nous éviter un septième jour, nous nous trouvons plutôt mal embarqués avec cette météo capricieuse. Nous revoyons nos exigences à la baisse et nous nous fixons le prochain campement comme premier point de chute.


Le chemin est plutôt tranquille bien que la pente ne se fasse ressentir dans nos petites jambes. Pas à pas, nous découvrons un panorama fantastique ; une chaîne de montagnes s’étend devant nous, toutes plus belles et imposantes les unes que les autres. Dommage que le brouillard et les nuages ne veuillent pas s’évaporer, le spectacle en serait d’autant plus beau. On tente de faire quelques photos malgré le temps maussade et continuons notre route jusqu’au col.


Nous avons perdu le chemin et suivons la direction que le GPS nous donne. Il n’est pas facile d’évoluer dans ces conditions et le moral flanche peu à peu. On espère trouver le col rapidement mais il semble encore bien loin. La pente n’étant pas suffisamment raide pour gagner de l’altitude rapidement, il ne nous faudra pas moins de deux heures et demie avant d’atteindre le col.

La vue sur la chaîne de montagnes est splendide et imposante. Ce trek n’aura vraiment pas fini de nous épater.

Au moment de redescendre, la neige fait son apparition. Nous sortons les housses de protection pour les sacs, notre veste de pluie et nous voilà ressemblant à Frodon et Sam en Terre du Milieu. Nous pressons le pas, comme si nous serons moins mouillés en marchant plus vite, mais on sait tous que cela ne fonctionne pas comme ça. Nous sommes alors rapidement détrempés et le froid nous gagne. Ayant perdu un peu d’altitude, c’est la pluie qui prend le relais et qui finit d’achever notre moral. Il reste encore six kilomètres jusqu’au point de campement et beaucoup plus jusqu’à Tinke. Nous nous rendons à l’évidence : un septième jour sera nécessaire.



Ce tronçon du trek est réputé pour ses lagunes d’un bleu éclatant : Pucaccocha, Pacaccocha, Azulccocha, Armaccocha, ... Vu le temps qu’il fait, nous nous étions résolus à ne pas les apercevoir. Mais voilà que nous arrivons à un belvédère qui nous offre une vue inattendue. Les nuages étant trop bas, nous n’apercevons pas la montagne encerclant la lagune (ce qui est regrettable). Cependant, nous pouvons admirer le bleu de l’eau contraster avec le gris du brouillard recouvrant la lagune de Pucaccocha.


Nous nous arrêtons un peu plus bas sur une aire de camping pour dîner à l’abri de la pluie. Bien que l’idée de nous arrêter ici nous aie traversé l’esprit, nous sommes encore à quatre kilomètres du point de campement initialement prévu et nous arrêter là prolongerait la journée du lendemain. Nous rassemblons donc le peu de courage qu’il nous reste et continuons la route. Le temps peu clément ne nous aidant pas à trouver le chemin, nous nous égarons de la bonne route. Nous longeons le lac Pacaccocha par sa gauche alors que nous aurions dû tirer sur la droite et traverser une étendue d’herbe. Un peu plus loin, nous apercevons des petites cahutes en paille où nous mettre à l’abri le temps de nous repérer. Mais voilà qu’à peine arrivés, une bergère en sandales et un sac en plastique sur la tête nous fait signe de venir à l’intérieur. Elle nous met un énorme sac de riz parterre sur lequel nous pouvons nous assoir pour reprendre nos esprits. Il semble que cela ne soit pas sa maison, mais simplement une loge et qu’elle en soit la gardienne des clés. Quelques minutes nous suffisent pour prendre une décision. Il est à peine midi et la pluie ne va visiblement pas s’arrêter d’une minute à l’autre. Le moral dans les chaussettes, nous redoutons le moment où il faudra monter la tente sous une averse alors que nous sommes déjà trempés jusqu’aux os. De ce fait, nous demandons à la bergère s’il est possible de passer la journée et la nuit ici. Sans hésitation, elle accepte et nous quitte.

Nous montons alors la tente à l’intérieur de la cahute, histoire d’avoir une moustiquaire et d’isoler nos matelas du sol. Nous mettons nos habits mouillés à sécher, mettons tous nos habits chauds sur le dos et nous blottissons dans nos sacs de couchage en espérant ne pas perdre un ou deux orteils.

Nous jouons aux cartes, lisons sur nos smartphones, discutons, rigolons de la situation mais après trois heures ainsi, le temps devient long. Peut-être aurait-il mieux fallu continuer de marcher ? Cette idée ne fait que nous effleurer car en entendant la pluie tomber, nous nous trouvons plutôt bien au chaud et à l’abri. Il est déjà six heures du soir et nous commençons à cuisiner. Nous entamons alors notre dernier paquet de nouilles chinoises et nos derniers thés de coca. La vaisselle attendra d’être à l’auberge à Cusco. Une bonne nuit de sommeil nous attend.



Septième jour :


Il fallait bien s’en douter, nos habits n’ont pas séché. Fort heureusement pour nous, la pluie a cessé durant la nuit et même si le ciel est encore couvert de nuages, nous pouvons envisager une descente au sec. Nous remettons nos habits mouillés de la veille (il n’y a pas d’autre choix), plions la tente et nous remettons en route pour cette ultime journée de marche.


Aujourd’hui, ce ne sera que de la descente pendant environ dix-huit kilomètres, mais les sacs n’ont jamais été aussi légers. En route, nous croisons encore une fois alpacas, moutons et chiens de berger. Nous passons par plusieurs sites de campement et finissons finalement par rejoindre la route de terre qui mène à Tinke. Nous passons un petit village avec une piscine d’eau thermale. La météo ne nous invite malheureusement pas à nous baigner, nous attendrons d’être de retour à l’hostel. Une journée composée de 6 heures de marche tout de même et un état de fatigue avancé. A nouveaux les enfants viennent nous demander des « dulce » et nous distribuons avec plaisir nos dernières barres de céréales et nos derniers bombons.



En arrivant à Tinke, nous espérions avoir le temps de nous assoir boire un coca mais un bus passant au même moment nous propose de nous prendre jusqu’à Cusco. Nous négocions le prix, montons dans le bus et nous laissons bercer pendant les trois prochaines heures.


Nous voilà de retour à l’auberge Sumayaq, accueillis avec joie par celui qui nous avait dit au revoir sept jours plus tôt. La suite, vous la connaissez : bonne douche, bon burger et bon dodo, ou presque… Nous aurions, nous aussi, souhaité une fin de trek de cette façon, nous en avions rêvé. Tout était parfait jusqu’au burger. Mais voilà qu’en rentrant je ne me sens plus très bien. Je préfère donc m’allonger pendant que Xavier fini de ranger ses affaires. Ce qui devait arriver arriva, et tout mon burger finit à la poubelle. Ma nuit sera rythmée par des allées et venues aux toilettes précisément toutes les trente minutes de 22h00 à 8h00 du matin. Le temps que la première pharmacie ouvre est que Xavier puisse acheter des anti-vomitifs pour que cela se calme. Nuit éprouvante pour tous les deux.


Les jours qui suivront seront principalement des jours de repos pour Xavier et de convalescence pour ma part. Les employés de l’auberge sont au petit soin et très attentionnés à notre égard et Xavier s’occupe de moi du mieux qu’il peut. Vu mon état peu encourageant, nous finirons par annuler notre départ pour Puerto Maldonado où nous souhaitions aller en Amazonie et optons pour nous diriger vers Arequipa, plus au sud du Pérou. On préfère se trouver dans une ville relativement grande si mon état venait à rechuter.


Le soir de notre départ, nous profitons de passer chez le coiffeur avant de prendre le bus. Xavier a en effet bien besoin de se faire raccourcir la barbe et couper les cheveux. Un coiffeur occupé avec un client nous fait signe d’entrer et de patienter sur les sièges. Lorsque le tour de Xavier vint, nous réalisons que le client en question n’était autre qu’un des six Français rencontré lors du trek du Condoriri en Bolivie il y a plus d’un mois en arrière. Le hasard fait si bien les choses… !


Quinze minutes plus tard, Xavier ressort avec une tête fraîche et nous pouvons aller prendre notre bus pour Arequipa. Mais ces aventures-là, vous ne les connaîtrez que dans le prochain article.





bottom of page