AREQUIPA
Après quelques heures de bus, nous arrivons au terminal d’Arequipa à cinq heures du matin. La nuit a été agitée et difficile de bien dormir cette fois-ci. Nous décidons de nous installer sur un banc pour terminer une fois encore notre nuit ; c’est surtout qu’à ces heures-là, les rues ne sont pas très recommandées et de toute façon aucune auberge ne nous ouvrira ses portes. Nous cadenassons tous les sacs ensemble, je les utilise comme coussin et Xavier s’installe en face de moi.
Quand une heure plus décente arrive, nous chargeons notre maison sur le dos et partons en direction du centre d’Arequipa qui se trouve à quelques kilomètres de là. Nous traversons des rues dont les quartiers avoisinants n’inspirent guère propreté et sécurité. Nous longeons l’axe principale et finissons par arriver sur l’artère pulmonaire d’Arequipa : La Plaza de Armas. Grâce à maps.me, nous trouvons facilement l’auberge que nous avions repérée un peu plus tôt sur internet. Le Mango nous ouvre ses portes à huit heures du matin. N’ayant pas réservé à l’avance la réceptionniste nous informe que deux lits seront disponibles seulement à partir de midi. Nous sommes si fatigués qu’il n’aurait pas été désagréable de pouvoir nous allonger et nous reposer. Néanmoins, nous acceptons sa proposition et allons poser nos sacs un peu plus loin et trouvons deux chaises libres dans le patio. Attendre jusqu’à midi ne nous enchante pas plus que cela ; nous décidons donc de prendre part au Free Walking Tour, une visite de la ville à pied proposée par des bénévoles, qui a lieu à dix heures.
Free Walking Tour :
Nous nous rendons au point de rencontre au Chaqchao, un bar faisant office de chocolaterie artisanale. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée et la cour intérieure de la chocolaterie se remplit en quelques minutes. La guide arrive, se présente et nous explique comment va se passer la visite. Le tour durera un peu plus de deux heures et permettra de voir les attraits principaux de la ville en combinant dégustations de glace et de pisco, explications historiques et humour. Nous démarrons la promenade sur la Plaza de Armas en faisant face à l’immense et imposante cathédrale. Elle est entièrement construite en silar, pierre volcanique blanche de la région. Arequipa a été victime de plusieurs séismes tout au long de son histoire et la cathédrale en a beaucoup souffert. Pourtant, elle a toujours été reconstruite. Le dernier séisme de 2001 avait fait s’effondrer l’un de ses deux clochers mais nous n’en voyons plus rien aujourd’hui.
Nous poursuivons notre visite à l’église de la Compagnie où nous découvrons une église sombre et sans intérêt particulier. Son extérieur est cependant couvert de sculptures magnifiques. Sa construction a débuté à la fin du seizième siècle et s’est terminée plus d’un siècle plus tard.
Nous poursuivons notre visite dans le cloître attenant où murs blancs sculptés sont également superbes. Restaurants et différentes boutiques de souvenirs sont aujourd’hui installés sous les arcades. Nous nous installons à une table et deux courageux se lèvent pour déguster une grosse chope de la fameuse chicha, boisson alcoolisée locale à base de maïs.
Nous nous promenons dans les rues d’Arequipa et nous dirigeons plus au sud de la ville vers le Mercado San Camilo. La guide nous emmène à l’étage supérieur où nous pouvons à présent déguster le fameux queijo helado, une glace à base de lait, de cannelle, de coco et de sucre. Nous tentons tous l’expérience et aucun n’est déçu. Nous arpentons les couloirs étroits du marché tout en essayant de distinguer les différentes odeurs venant chatouiller nos narines. Etalages de fruits, légumes, épices, babioles, pains de toutes sortes, fœtus de lama, … et un million de gens grouillant là au milieu. Une ambiance particulière émane de ces endroits. Lieux de vie pour les locaux puisque souvent tout y est moins cher ; ils peuvent autant faire leurs commissions de la semaine qu’y dîner pour trois fois rien. Tout le monde se presse dans les allées, chacun veut passer le premier pour arriver plus vite au prochain stand, les vendeuses se parlent entre elles en criant à travers la multitude de gens, des enfants pleurent, oppressés par la foule et d’autres courent pour faire enrager leurs parents. Un spectacle typiquement péruvien dont nous ne nous lassons toujours pas.
Il est déjà l’heure de repartir et c’est au musée Santuarios Andinos que la guide nous emmène. Nous nous arrêtons devant une immense maquette du canyon de Colca où elle en profite pour nous raconter rapidement son histoire.
Le Canyon de Colca est l’un des attraits touristiques majeur d’Arequipa. Il est le second canyon le plus profond du monde avec ses 3400 mètres. La rivière de Colca se trouve au fond de la vallée. Il est possible d’admirer planer les condors profitant des courants ascendants. Les touristes ne souhaitant pas marcher dans le canyon prennent souvent une excursion à la journée pour tenter de les voir depuis le mirador Cruz del Condor. Après la ville de Chivay, le canyon devient plus étroit et la route est non carrossable par endroits. Le village le plus connu au sommet du canyon est Cabanaconde, d’où partent quelques treks. Mais il existe d’autres villages installés à l’intérieur du canyon : San Juan de Chucco, Tapay, Malata, … Certains ne sont toujours par reliés à la route et les mules sont leurs seuls moyens de transport.
Notre dernier arrêt sera dans un petit restaurant proche de la place d’armes pour y déguster les fameux pisco sour, boisson far du Pérou. Nous recevons chacun un petit verre rempli de cet alcool, puis la guide lance un Santé ! à la façon péruvienne, c’est-à-dire : arriba, en bajo, al centro, sexy move (en faisant les gestes d’accompagnement, bien entendu) et nous buvons tous d’une traite notre pisco. Il est à présent l’heure du test de culture afin de voir si nous avons tous bien écouté lors de la visite. Le premier qui donnera une bonne réponse gagnera un immense verre de pisco sour à déguster devant tout le monde et en réitérant les mouvements de la guide. Autant dire que je suis contente de ne pas avoir eu le courage de donner mes réponses à haute voix.
Nous quittons le groupe dans l’intention de retourner à l’auberge récupérer quelques heures de sommeil mais voilà que les deux Français avec qui nous avons sympathisé durant la visite nous propose d’aller dîner avec eux au restaurant Ratatouille, un petit bistrot tenu par un Français dont la réputation n’est plus à faire. Nous acceptons leur proposition et sommes agréablement surpris par la décoration et le charme de l’endroit. Nous sommes accueillis par un serveur péruvien qui a visiblement appris le métier dans une école hôtelière. Nous nous installons sur la terrasse et le serveur vient nous conter le plat du jour. Les plats sont raffinés et délicats. Nos papilles gustatives se réveillent et nous survolons la France le temps d’un repas.
Après avoir échangé longuement sur nos voyages respectifs, nous payons l’addition très peu salée pour la qualité du repas et quittons les deux Français qui repartent déjà demain pour Lima.
Il est déjà plus de 16 heures et nous décidons de rejoindre notre auberge. Nous trouvons notre dortoir et nous nous allongeons le temps d’une sieste. Nous sommes apparemment beaucoup trop fatigués car la sieste durera toute la nuit et nous ne nous réveillerons que le lendemain.
Visite d’Arequipa :
C’est en pleine forme et reposés que nous nous réveillons de bonne heure. L’employée de l’auberge installe le petit-déjeuner tranquillement et nous promet un vrai festin : pains frais, confiture, céréales, jambon, fromage, lait, jus, fruits frais, … De quoi se remplir l’estomac pour une longue journée. Une fille entre dans la salle à manger et annonce en espagnol tinté d’un accent français qu’elle vend des pâtisseries. Elle travaille dans une boulangerie-pâtisserie qu’un Français a ouvert non loin d’ici et dont les sous récoltés vont pour les enfants démunis d’Arequipa. Je me laisse alors tenter par un pain au chocolat dont j’ai tellement rêvé ces dernières semaines.
Au moment de quitter l’auberge pour entamer notre journée de visite, nous reconnaissons Mathieu, toujours le fameux Français de Salta, en train de déjeuner. Nous nous arrêtons pour le saluer, rire et échanger quelques mots. Il est arrivé à Arequipa il y a un mois, s’est acheté une moto et depuis, attend les plaques pour repartir avec. La paperasse péruvienne n’a pas l’air simple ! Une heure plus tard, nous décidons finalement de nous remettre en route et lui donnons rendez-vous ce soir pour boire une bière.
Nous flânons dans les rues du centre, passons par la Plaza de Armas, traversons la cathédrale, longeons une ruelle pavée et charmante, passons devant le café-chocolaterie de la veille et arrivons au couvent Santa Catalina qui est sûrement le monument à voir d’Arequipa bien que le prix de l’entrée soit terriblement cher. Nous prenons les services d’une guide qui parle Française et nous nous laissons emmener dans cet immense couvent. Il serait apparemment le plus grand couvent du monde abritant une communauté de sœurs carmélites. Il a été construit en 1579 et hébergeait 450 religieuses. Au jour d’aujourd’hui, il ne compte plus que quarante sœurs toujours actives. Ce couvent est différent de tout autre car il ressemble à une petite ville. Le premier cloître que nous visitons est celui réservé aux initiées. Elles vivaient là le temps d’apprendre la vie de sœur. Le second cloître est celui qu’elles rejoignent une fois leur formation terminée.
Nous passons ensuite dans les diverses rues de cette ville miniature.
En effet, le couvent possède des rues, des jardins, des cloîtres et des parcs. En entrant dans le rang des sœurs, la famille de chacune d’elles payait la construction d’une maison à cette dernière dans l’enceinte même du couvent. Les moyens plus ou moins grands de chaque famille définissaient la taille et la beauté de chaque maison. Certaines sont plus grandes et sur deux étages, d’autres plus petites et ne comptent à peine deux pièces à vivre. Pour réduire les frais, certaines sœurs vivaient à plusieurs dans une même maison, tandis que d’autres avaient le loisir d’en être les seules occupantes.
Ici, les sœurs ne faisaient clairement pas vœux de pauvreté, bien au contraire. La plupart possédaient des servantes qui vivaient avec elles, des instruments de musique, des meubles, … Les plus riches s’organisaient même des séances « thés et papotage » durant leur temps libre.
Passionnés par l’univers que nous découvrons, nous ne voyons pas le temps filer. Il est déjà passé 14 heures et nous mourrons de faim. Le déjeuner gargantuesque de ce matin a ses limites. La guide de la veille a plusieurs fois parlé des picanterias, restaurants proposant des plats typiques d’Arequipa. Nous suivons donc ses conseils et nous nous dirigeons vers le restaurant La Nueva Palomino à quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la rivière.
Une fois arrivés devant le restaurant, nous sommes surpris par sa grandeur et sa classe. Nous pensons tout de suite que c’est un endroit à touristes et que sa carte doit présenter des prix élevés. Première impression trompeuse car nous ne trouvons que des péruviens attablés et nous sommes les uniques blancs du coin.
La carte est sans fin et nous ne connaissons pas la moitié des termes inscrits. Nous finissons par demander quelques conseils à la serveuse et nous commandons un plat de découverte pour deux. Il regroupe toutes les spécialités de la ville en petite quantité. Voilà qui nous permettra de goûter un peu de tout. Nous prenons également un grand verre de chicha, sorte de bière sucrée faite à partir de maïs rouge. Le plat arrive et est magnifique. Ils n’ont visiblement pas la même définition du terme « petite quantité ». Différentes viandes marinées à la chicha, des sortes de poivrons fourrés à la viande, un beau gratin de pomme de terre, des légumes, … Une explosion de saveur que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Nous n’arriverons pas au bout de toutes les spécialités et nous laisserons presque l’équivalent du quart du plat. Nous payons l’addition et partons arpenter les ruelles en direction du mirador de Yanahuara, légèrement dans les hauteurs de la ville.
Quelques forums sur internet parlaient de ce mirador comme un incontournable mais franchement, à part la vue sur les bâtiments, nous n’y voyons pas grand intérêt. Les volcans dominant la ville ne sont même pas entièrement visibles. Sous l’arche principal, des tables installées présentent toute une série de babioles et d’artisanat. Nous en faisons le tour par habitude, sans grand espoir de trouver quelque chose de nouveau. La promenade reste agréable ; un petit parc et ses bancs sont les bienvenus. Xavier se laisse tenter par une glace qu’un vieux monsieur vend et nous voilà déjà en train de redescendre en direction du centre. Nous faisons un détour par l’église de la Recoleta sans nous y attarder et admirons la vue sur les volcans, qui est bien plus belle depuis le pont que depuis le mirador.
Une fois de retour à la Plaza de Armas, nous nous engouffrons dans la rue commerçante. Xavier ayant oublié sa casquette à l’auberge de Cusco, aimerait en racheter une nouvelle. En effet, il n’est pas question d’aller au canyon de Colca sans quelque chose pour se couvrir la tête. Nous découvrons une rue pleine de magasins, de petits restaurants et de bars. Après être entrés dans la plupart des magasins susceptibles de vendre des casquettes, Xavier trouve son bonheur, moi le mien et nous ressortons respectivement avec une casquette et une robe. Claqués, nous retournons à l’auberge nous reposer.
Nous retrouvons Mathieu attablé dans le patio avec un Equatorien étudiant à Lima et venu à Arequipa pour les vacances. Nous buvons quelques bières, mangeons des chips, discutons et rigolons. Etant fatiguée, j’abandonne les gars et vais me coucher pendant qu’eux sortent manger un kebab au poulet.
Journée de pause et préparations du Canyon de Colca :
Nous sommes réveillés par le bruit des oiseaux faisant la course. Le plafond de notre chambre étant bien fin et donnant directement sur le toit de l’auberge, nous avons le loisir d’entendre les oiseaux s’en donner à cœur joie. Nous finissons par nous lever et aller déjeuner. Nous ne nous laissons pas de ce buffet si généreux et nous relevons plusieurs fois.
Nous consacrerons majoritairement cette journée à la préparation de nos quelques jours dans le canyon de Colca et écrirons un peu le blog. Avant cela, je cherche sur internet s’il existe un chiropraticien à Arequipa. En effet, étant tombée dans les escaliers à Cusco il y a quelques semaines en arrière, je me suis bloquée la nuque et elle est restée douloureuse. TripAdvisor m’indique un médecin Irlandais expatrié à Arequipa, Patrick O’Donell. Nous passons plus d’une heure et demie dans son cabinet à entendre mes cervicales craquer et à le voir me remettre en place. Il assure que ma nuque devrait aller mieux par la suite, nous verrons bien.
Sur le chemin du retour, nous découvrons la vie locale d’ici, et profitons de flâner un peu. Nous nous arrêtons dîner dans un petit local-restaurant proposant des menus du jour à six soles (environ 1.50CHF). Le patron, très accueillant, nous fait la bise, nous installe à une table et vient nous demander d’où on vient. Il vient nous servir une soupe copieuse, du riz, du poisson et une jarre de refresco du jour. Ce sera sans doute le repas le plus chaleureux que nous aurons mangé jusqu’ici.
Une fois arrivés à l’auberge, Xavier décide d’aller visiter encore un couvent et se promener un peu au centre pendant que je me repose. La visite est bien courte et le couvent San Francisco est bien petit en comparaison du couvent Catalina. La visite n’est pas moins sympathique, ce monument franciscain est très authentique et rempli de verdure.
Nous prenons ensuite le temps de lire quelques informations concernant le canyon de Colca. Nous aimerions sortir des sentiers battus et concocter un itinéraire différent. Chose qui n’est pas évidente car très peu d’informations sont mises à disposition. Nous trouvons un blog dont les auteurs racontent leur trek de trois jours et donnent l’itinéraire détaillé. Nous sommes alléchés par les photos que nous y voyons et sommes décidés à faire de même. Demain, nous partirons donc pour trois jours de marche.
La fin d’après-midi sera forte en émotion. Je m’attelle à trier quelques photos de notre long séjour à Cusco et réalise qu’il nous manque plusieurs jours de visite de la ville de Cusco. Je cherche partout, revisualise toutes nos cartes mémoires, la dropbox, le disque dur, les clés USB, … mais je dois me rendre à l’évidence, ces photos ne sont nulle part. Xavier vient alors m’aider ; il refait le même processus auquel je viens de procéder et nous réfléchissons à où elles pourraient être stockées ou qu’est-ce qu’on aurait bien pu en faire. Après quelques soupirs et quelques (en fait, plusieurs) larmes, nous concluons qu’une erreur de communication s’est produite. Xavier aurait effacé les photos de la carte mémoire en pensant que je les avais déjà sauvegardées sur l’ordinateur. Il fallait bien que cela nous arrive une fois, tant pis.
Le moral dans les chaussettes, nous décidons de sortir voir les lumières du coucher du soleil sur la Plaza de Armas afin de nous changer les idées. Les lumières de la ville s’allument et le ciel bleu de l’après-midi laisse maintenant place à un rose doux. Le spectacle est féérique.
Nous faisons quelques pas autour du pâté de maisons, passons à la supérette du coin acheter quelques provisions pour le canyon et retournons à l’auberge retrouver Mathieu pour un petit souper tout tranquille. Une nouvelle journée se termine et laisse place à de nouvelles aventures.